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Drames et récits

Rue Cases-Nègres (1983)

En 1931, l’empire colonial français est à son apogée. À la Martinique, l’esclavage a été aboli en 1848, mais les Blancs « békés » contrôlent toujours l’économie et les Noirs sont souvent misérables, travaillant pour quelques sous dans les plantations de canne à sucre. Dans la bourgade de Rivière-Salée, les békés vivent dans de somptueuses villas, les Noirs dans des cases de bois et de paille alignées dans la rue Cases-Nègres.

La journée, les parents travaillent aux champs, et les enfants vont à l’école. José, 11 ans, est un bon élève, curieux et attentif. M’man Tine, la grand-mère affectueuse qui l’élève, fait tout pour qu’il puisse, grâce à l’instruction, vivre une vie meilleure que la sienne, elle qui s’est épuisée au travail…

En résumé

France / 1983/ 1 h 43 min.

Réalisateur(s) :  Euzhan Palcy

Acteur(s) :  Garry Cadenat, Darling Légitimus, Douta Seck,...

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Euzhan Palcy, une militante de la culture noire
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Euzhan Palcy est née à la Martinique en 1956. Elle découvre le cinéma lors de projections à la salle paroissiale du village où elle vit. Elle a ainsi une douzaine d’années quand elle voit le film Orfeu Negro, réalisé par Marcel Camus en 1958, un des premiers films français avec des acteurs noirs. C’est pour elle un choc : voir sur un écran des Noirs qui s’aiment et s’embrassent comme des Blancs est une révélation ! Dès l’adolescence, elle décide de devenir réalisatrice pour montrer, à son tour, des Noirs sur les écrans.

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Elle commence à se faire connaître à la télévision antillaise, en présentant, à 19 ans, une émission de poésie. Dotée d’une jolie voix, elle sort également un disque de chansons enfantines. En 1974, toujours pour la télévision, elle écrit et réalise un téléfilm avec son frère Joël : La Messagère. Encouragée par son père, elle poursuit à Paris des études de théâtre, de littérature, puis de cinéma, à l'École nationale supérieure Louis-Lumière. Après avoir été assistante, elle réalise en 1982 un court métrage pour France 3, L'Atelier du diable.

Peu après, elle rencontre François Truffaut qui l'encourage et lui fait rencontrer des producteurs. Euzhan a en effet en tête d’adapter son livre préféré, un ouvrage de Joseph Zobel, La Rue Cases-Nègres, que lui avait offert sa mère. Elle en écrit l’adaptation mais le montage financier est difficile. Le projet séduit parce qu’on y voit un petit Français pauvre, Antillais et noir, qui s’élève par sa persévérance et grâce à l’éducation dispensée par l’école républicaine. Mais il gêne aussi, car il rappelle que la République française a été esclavagiste et colonialiste. Certains craignent de donner un sentiment de culpabilité inutile à ceux qui ne connaissent pas (ou ne veulent pas connaître) cette histoire coloniale. D’autres ne veulent pas d’un film « communautariste » : d’ailleurs, en quoi une histoire avec des Noirs pourrait-elle intéresser un public en majorité Blanc, et encore moins des enfants ? Michel Ocelot en préparant Kirikou en 1998 se heurtera aux mêmes arguments, comme quoi les clichés ont la vie dure…

 

Euzhan, heureusement, ne se décourage pas et finit par rassembler les fonds nécessaires. Le film obtient un joli succès, décroche de nombreux prix internationaux, et démontre par sa seule force que ses détracteurs avaient tort : derrière la différence, réelle, entre cultures et couleurs de peau, on découvre que nos ressemblances nous unissent et que nos différences nous attirent !

Malgré ce succès, Euzhan Palcy se voit refuser poliment ses autres projets : a-t-elle trop secoué la bonne conscience française ? Elle s’exile donc aux États-Unis et parvient à réaliser un nouveau projet sur l’oppression des Noirs par les Blancs, en adaptant un autre roman dont l’intrigue de déroule cette fois en Afrique du Sud, en plein Apartheid. Le film s’appelle Une Saison blanche et sèche (1989) et bénéficie de la participation de grands acteurs d’Hollywood : Marlon Brandon, Susan Sarandon et Donald Sutherland, avec un budget de 20 millions de dollars, soit 40 fois supérieur à celui de Rue Cases-Nègres ! Euzhan Palcy devient aussi avec ce film la première réalisatrice noire produite par un studio d'Hollywood... Il aura donc fallu attendre presque 100 ans depuis l’invention du cinéma pour qu’une femme noire réalise un film dans ce pays ?

Aujourd'hui, Euzhan Palcy vit toujours entre les États-Unis et la France et continue de réaliser des films engagés pour la cause des Noirs.

Le cinéma, un outil pour combattre le racisme et les idées reçues

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La présence des Noirs au cinéma (et autres populations d’origines diverses) semble sans doute banale et normale pour le jeune public que vous êtes. Mais cela n’a longtemps pas été le cas : le cinéma est une invention occidentale qui est le reflet de la société qui l’a fait naître, une société qui a réduit les Noirs à l’esclavage pendant plus de 500 ans ! Leur reconnaissance n’est que très récente puisque après l’abolition de l’esclavage à la fin du 19ème siècle dans la plupart des pays, de nombreuses lois ségrégationnistes ont continué à bloquer la libre circulation des populations d’origine étrangère. Par exemple, aux États-Unis, ces lois dites « Jim Crow » n’ont été abolies qu’en 1964 et on ne peut pas dire que dans ce pays les relations entre les populations soient toujours très harmonieuses… En France, il n’y a jamais eu de lois raciales mais beaucoup de résistances individuelles, dont la discrimination à l’embauche reste l’exemple le plus flagrant. C’est malheureusement pareil dans le cinéma !

 

Si les départements d’Outre-Mer ont souvent servi de décor exotique à des films produits par la Métropole, il n’existait quasiment pas de cinéma sur les Antilles et fait par des antillais avant Rue Cases-Nègres. Aujourd’hui les quelques films qui sortent sont encore vus par les critiques comme un "cinéma de la diversité"...

 

On peut citer par exemple les comédies de Lucien Jean-Baptiste, La première étoile (2009) et 30° Couleur (2012) ou encore ceux du duo comique Fabrice Eboué et Thomas Ngijol, Case départ (2011) ou Le Crocodile du Bostwanga (2014), qui abordent tous plus ou moins directement l’héritage des colonies et la place des français d’origine étrangère dans notre pays. Dans un registre plus grave, le film Bandes de filles de Céline Sciamma en 2014 voulait montrer la vie de jeunes filles noires aujourd’hui en France. Mais on lui a reproché de ne le faire  que sous un aspect «banlieue», dans lequel même des vraies jeunes filles de banlieue ne se sont pas reconnues !

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Alors, est-il impossible de représenter sereinement et justement la diversité au cinéma ? Bien sûr que non, mais ce combat ne sera gagné que par un véritable changement des mentalités dans la vie de tous les jours. A vous, les jeunes, de lutter contre les préjugés !

30° Couleur (Lucien Jean-Baptiste)

Case départ (Fabrice Eboué, Thomas Ngijol)

Bandes de filles (Céline Sciamma)

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